Bouger ou vieillir trop vite : ce que la science révèle

person wearing orange and gray Nike shoes walking on gray concrete stairs

🗞️ Chronique Sport & Santé — « Bouger pour tenir debout dans un monde qui vacille »

Hier, à Marseille, dans les murs flambant neufs du HIPE Human Lab, des chercheurs observaient les battements du cœur d’un athlète de haut niveau en pleine course sur tapis, tandis que, quelques rues plus loin, un cadre quadragénaire se levait difficilement de son bureau après huit heures passées devant deux écrans. Deux scènes d’apparence opposée, mais liées par une même question : comment notre corps s’adapte-t-il — ou cède-t-il — face à un monde en mutation ?

Dans ce laboratoire marseillais, les scientifiques ne cherchent plus seulement à améliorer les records. Ils s’intéressent à l’impact du réchauffement climatique sur la performance, sur la santé, sur la récupération (1). Car oui, aujourd’hui, courir sous 30°C pollués n’a rien à voir avec courir par un doux matin d’avril. Le Comité international olympique tire la sonnette d’alarme : il est urgent d’étudier l’effet de l’air vicié sur nos poumons en effort maximal (2). Le corps n’est plus seul dans la course, l’environnement court avec — ou contre — nous.

Cette même réalité frappe aussi ceux qui ne courent pas. Ceux qui, assis, figés, subissent une autre forme de contrainte : la sédentarité. L’OMS rappelle que près d’un adulte sur trois dans le monde ne bouge pas assez (3). Résultat : douleurs chroniques, fatigue mentale, inflammation silencieuse. Une étude australienne va plus loin : pour soulager le mal de dos, bouger ne suffit plus. Il faut aussi revoir son hygiène de vie globale (4). Mieux dormir. Mieux manger. Mieux respirer.

Et pourtant, partout, des signaux d’espoir apparaissent. À l’image du programme Mouv’en Santé porté par le CNRS : une initiative participative pour comprendre comment les Français bougent… ou pas (5). Le constat est limpide : les bienfaits du sport sont encore plus puissants chez les plus fragiles, les plus exposés, les plus éloignés du système de santé (6). Autrement dit, l’activité physique est aussi un outil d’égalité. De réparation.

Le paradoxe, c’est qu’on en parle plus que jamais, mais on continue de le sous-utiliser. En psychiatrie, par exemple, des chercheurs rappellent que bouger aide à prévenir les troubles bipolaires (7). En neurologie, le MIT démontre que l’activité physique favorise la croissance des neurones (8). Et au niveau cellulaire, des milliers de marqueurs biologiques se transforment positivement avec l’endurance (9). L’exercice devient un traitement. Mais qui l’a prescrit, vraiment ?

Pendant ce temps, une tendance fait fureur sur les réseaux sociaux : le rucking, ou l’art de marcher avec un sac lesté. Présenté comme une forme d’entraînement fonctionnel, ce rituel plaît aux hommes de 40+ en quête d’intensité maîtrisée. Mais les kinés préviennent : mal pratiqué, c’est la porte ouverte aux blessures (10). Une nouvelle preuve qu’en sport comme en médecine, la dose fait le poison.

Plus profondément, ce qu’on cherche tous — au fond — c’est une forme de stabilité dans un monde instable. Et cette stabilité, certains la trouvent dans un rythme, une routine, une respiration. Le neuroscientifique Jean-Philippe Lachaux parle même d’un « sport de l’attention », une discipline mentale qui s’entraîne comme un muscle (11). Apprendre à se concentrer, à rester dans l’instant, à ne pas courir sans but — mentalement comme physiquement.

C’est peut-être ça, le vrai virage : le sport ne nous sert plus à nous dépasser. Il nous sert à nous ancrer. Dans un monde plus chaud, plus rapide, plus incertain, bouger devient un acte de résistance tranquille. Le mouvement comme maintien. L’activité comme racine.

Et dans le sillage de cette prise de conscience, un chiffre reste en tête : selon une étude britannique relayée hier, quelques milliers de pas supplémentaires par jour suffisent à rallonger significativement l’espérance de vie (12). Pas besoin de marathon. Juste d’un peu de régularité. De lucidité. De cohérence.

Hier, le monde n’a pas changé. Mais hier, on a encore appris comment, en avançant doucement, on pouvait rester debout.


📝 Sources :

  1. Le Monde, “Mieux comprendre les effets du réchauffement climatique sur les performances sportives”, 2025.
  2. Le Monde, “La qualité de l’air, enjeu pour la performance et la santé des athlètes”, 2025.
  3. OMS, “L’alerte sur la hausse de l’inactivité physique dans le monde”, 2025.
  4. Le Monde, “Pour soulager le mal de dos, il faut bouger mais aussi vivre plus sainement”, 2025.
  5. Le Monde, “Mouv’en Santé, un projet participatif pour faire bouger les Français”, CNRS, 2025.
  6. Le Monde, “L’activité physique, un levier à actionner pour réduire les inégalités de santé”, 2025.
  7. Le Monde, “Bouger, une façon méconnue de soigner la bipolarité”, 2025.
  8. MIT Research, “Physical Activity Promotes Neuronal Growth and Maturation via Myokines”, 2025.
  9. MoTrPAC Study, “35,000 biological markers altered by endurance exercise”, 2025.
  10. Le Monde, “Le rucking, marcher avec un sac lesté, une pratique à la mode mais risquée”, 2025.
  11. Le Monde, “Devenir un champion de l’attention, un sport à la portée de tous”, interview J.-P. Lachaux, 2025.
  12. Le Monde, “Pour quelques pas de plus, des années de vie en plus”, étude britannique, 2025.